Le chien, la nuit et le couteau : j’ai faim !

Munstrum Théâtre, une jeune compagnie venue d’Alsace, présente durant le Festival OFF d’Avignon, à la Manufacture, dans la salle hors les murs de la Patinoire, une adaptation sombre et fantasmagorique de la pièce de Marius von Mayenburg. Le résultat est bluffant, prenant, où l’homme, traqué comme une bête, devient un monstre assoiffé de sang.

Le chien, la nuit et le couteau © Bekir Aysan

Par une chaude nuit d’août, un homme est au sol. Il se déploie longuement. Il ne sait pas comment il est arrivé là et ne sait pas non plus où il est. M erre alors dans les rues et va faire des rencontres toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Chaque être qui croise son chemin semble animé d’une même obsession : le manger ! Alors, pour survivre, il devra être le loup de l’Homme et tuer. Dans une ambiance surréaliste, où le temps collabore avec l’espace dans une bulle parallèle, il va se transformer en monstre sanguinaire, meurtrier malgré lui, réagissant à l’instinct et non plus à la raison, tandis que la nuit le vampirise peu à peu et que son humanité sombre dans les profondeurs des ténèbres nocturnes. La monstruosité devient normalité et l’homme demeure un animal pour l’homme, un chien, un loup, que le couteau abreuve et couronne.

C’est par un dispositif bi-frontal que nous pénétrons l’univers fantasmagorique et fantastique du Chien, la nuit et le couteau. Rien ne peut échapper à notre regard, oppressé par les scènes glauques qui vont se succéder. Recouverts d’un masque qui leur confère une apparence étrange et cauchemardesque, vidant leur visage de l’humanité qui les habite, les acteurs évoluent dans une fable noire. François Praud est brillamment convaincant dans la peau de cet homme ordinaire qui se retrouve perdu dans les limbes d’un monde singulier où rien ne peut l’apaiser et le rassurer, à commencer par l’homme qui cherche son chien, joué par l’épatant Lionel Lingelser. A partir de là, d’un dérapage accidentel, il se précipite en enfer, dans le tourbillon vicieux de la survie et dévale les pentes surréalistes de l’horrifique monde qui l’entoure et l’entraîne dans les rouages de la machine infernale. Quant à Sophie Botte, elle enchaîne les rôles avec aisance et fluidité, passant de la femme amoureuse prête à devenir un soutien infaillible dans les épreuves à une schizophrène menaçante, sans oublier l’infirmière en quête de sang et de viande fraîche : « On va devoir opérer : préparez les couverts » !

Louis Arene, ancien pensionnaire de la Comédie Française, effectue un travail impeccable au niveau de la direction d’acteurs. Il nous bouscule, nous plonge sans ménagement dans un cauchemar éveillé, nous saisit et nous laisse là, étendus et sonnés, comme lorsque nous nous réveillons d’un songe épouvantable, en sueur, sans possibilité de trouver à nouveau l’apaisement. Il parvient à instaurer une étrangeté absurde qui devient quasiment naturelle, réveillant le côté barbare et animal sauvage qui sommeille en nous. Le spectateur est happé, fasciné, bousculé et confronté aux angoisses qui peuplent nos nuits. « J’ai mis ma vie en morceaux cette nuit et elle ne sera plus jamais entière ». Voilà de quoi tourmenter davantage nos âmes avec talent et appétit sans se faire engloutir par la brèche glauque des cauchemars macabres.

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Le chien, la nuit et le couteau

Texte : Marius von Mayenburg

Traduction : Hélène Mauler et René Zahnd

Mise en scène : Louis Arene

Conception : Lionel Lingelser et Louis Arene

Dramaturgie : Kevin Keiss

Création lumières : François Menou

Création sonore : Jean Thévenin

Création costume : Karelle Durand (assistée de Camille Ioos et Julien Antuori)

Création masques : Louis Arene

Scénographie : Louis Arene et Amélie Kiritzé-Topor

Interprètes : Lionel Lingelser, François Praud, Sophie Botte (en alternance avec Victoire du Bois)

Durée : 1h50, trajet en navette inclus vers la patinoire

• Du 6 au 26 juillet à 15h20

dans le cadre du Festival d’Avignon OFF 2017

Lieu : La Manufacture, 2 rue des écoles, 84000 Avignon

Réservations : 04 90 85 12 71