Tristesse et joie dans la vie des girafes : parcours initiatique

Tiago Rodrigues, qui a présenté son époustouflant Sopro, est à nouveau à l’honneur et souffle sur le Festival d’Avignon avec Tristesse et joie dans la vie des girafes, un spectacle jeune public, mis en scène par Thomas Quillardet, qui propose une fable initiatique contemporaine sur l’entre-deux. Grandir dans un monde en crise, rêver, avancer, espérer : n’est-ce pas là le but du spectacle vivant à l’égard des spectateurs d’aujourd’hui et de demain ?

Tristesse et joie dans la vie des girafes © Christophe Raynaud de Lage
Tristesse et joie dans la vie des girafes © Christophe Raynaud de Lage

Girafe est une petite fille de neuf ans. Sa mère lui a donné ce surnom car elle est très grande. Trop pour son âge si on s’en tient à sa taille mais pas assez pour beaucoup d’autres choses, celles sérieuses, de la vie. L’enfant doit préparer un exposé sur les girafes. Malheureusement, c’est la crise et le père, au chômage, « ne mérite pas de l’argent ». Il n’a donc pas les moyens de s’offrir un abonnement au câble qui permettrait à la fillette de se documenter sur Discovery Channel. Elle se met en tête de réunir la somme nécessaire pour un abonnement à vie et se lance sur les routes de Lisbonne en compagnie de son nounours Judy Garland. Au fil des rencontres et des parades pour atteindre son but, elle comprendra qu’elle a grandi et que la peur n’évite pas le danger. L’Odyssée, en avant les histoires !

L’approche du texte est faite de manière ludique et didactique par Thomas Quillardet. « Un exposé est une recherche » pour Girafe. Le spectacle débute par une définition des mots employés tels que l’école qui est un lieu où l’on absorbe l’éducation. Quand on grandit, on ne peut pas toujours se fier à tout ce qui est écrit et il faut expérimenter la vie. Comme pour La Mouette de Tchekhov, Tristesse et joie dans la vie des girafes s’attache aux choses importantes de la vie sous une métaphore animalière pertinente et intelligible. La distribution est scintillante, d’une grande fraîcheur et nous entraîne dans le tourbillon de la vie, à la manière du Candide de Voltaire sans pour autant nous éclabousser de mièvrerie et de guimauve écœurante. Maloue Fourdrinier étincelle dans la peau de Girafe. Elle séduit, enchante avec toute la tendresse dont elle dispose tandis que Christophe Garcia est irrésistible malgré son langage de vieux routier. Il est ce que l’on pourrait appeler un ours mal léché en campant un Judy Garland charismatique, rarement de bonne humeur mais toujours présent pour guider sur les routes escarpées menant au monde adulte. Marc Berman est un inquiétant malfrat à mi-chemin entre le pédophile et le zoophile avant de prendre les traits d’un Premier Ministre convaincant. Enfin, Jean-Toussaint Bernard est touchant et poignant dans le rôle du père et de Tchekhov, guide spirituel dans les dédales de l’enfance où les rêves se heurtent à la dure réalité du monde. Thomas Quillardet tire les ficelles de ce théâtre de la maturité qui fourmille de détails (bruitages DIY, jeux d’ombres…) au décor que l’on manipule comme l’imagination débordante des enfants pour nous indiquer l’accès vers d’autres chemins.

Tristesse et joie dans la vie des girafes est un spectacle qui nous ramène à l’essentiel, à cette nécessité d’être optimistes lorsque nous sommes tristes et à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Il compose à l’authentique, avec l’essence de l’existence qui est ici auscultée à travers un filtre poétique : « La vie, ce n’est pas chercher des mots dans le dictionnaire, c’est trouver des synonymes ». Une belle découverte avec cette œuvre qui prône le « Tout est du Tchekhov » dans la vie en défendant l’idée que tout ira bien pour ceux qui cheminent dans l’espérance. Si écrire c’est « couper une partie de soi-même pour la donner au lecteur », Tiago Rodrigues a fait une nouvelle fois preuve d’une immense générosité et s’impose comme un pilier de la scène artistique contemporaine. C’est comme boire du champagne pour la première fois et redécouvrir le plaisir à l’état sauvage.


Tristesse et joie dans la vie des girafes

Texte : Tiago Rodrigues

Traduction et mise en scène : Thomas Quillardet

Assistanat à la mise en scène : Claire Guièze

Scénographie : Lisa Navarro

Costumes : Frédéric Gigout

Lumière : Sylvie Meli

Avec : Marc Berman, Jean-Toussaint Bernard, Maloue Fourdrinier et Christophe Garcia.

Durée : 1h15

  • Du 14 au 19 juillet 2017 à 11h et 15h

dans le cadre du Festival d’Avignon

Lieu : Chapelle des Pénitents Blancs

  • Du 11 au 12 octobre 2017

Lieu : Théâtre de la Coupe d’Or (Rochefort)

  • Le 10 novembre 2017

Lieu : Théâtre Jean Arp (Clamart)

  • Du 23 au 24 novembre 2017

Lieu : Le Théâtre- Scène nationale de Saint-Nazaire

  • Du 28 novembre au 9 décembre 2017

Lieu : Le Monfort (Paris)

  • Le 11 janvier 2018

Lieu : Théâtre Paul Eluard (Choisy-Le-Roy)

  • Les 19 et 20 janvier 2018

Lieu : Le Trident – Scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin

  • Le 26 janvier 2018

Lieu : Scène nationale d’Aubusson

  • Les 29 et 30 janvier 2018

Lieu : Théâtre de Vanves

  • Du 6 au 17 avril 2018

Lieu : Terres de Paroles Seine-Maritime – Normandie

 


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