Trio en mi bémol : tout est musique !

Issus de la promotion 2013 des élèves comédiens de la Comédie-Française, les six jeunes du Collectif Colette aiment à jouer les mots du cinéaste Eric Rohmer. Après la création de Pauline à la plage en 2014, c’est au tour de Trio en mi bémol, la seule pièce de théâtre qu’il ait écrit, d’être portée avec brio par le jeu envoûtant de Carine Goron et Blaise Pettebone. Le texte transporte autant que la musique dans une œuvre au langage personnel et universel.

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© D.R

Une table et deux chaises qui se font face : voici le décor unique de la rencontre entre Paul et Adèle. La jeune femme s’y installe et sitôt plongée dans son cahier, elle est intriguée par les mains qui s’agitent à l’autre bout de la table. Ce sont celles de l’homme qui fait un exercice sur Schubert. Il n’est ni compositeur ni musicien mais utilise la musique comme langage. Pour lui, elle est partout.

Sur le plateau, Carine Goron et Blaise Pettebone sont d’un naturel rafraîchissant. Lui est un brin mystérieux, réservé tandis qu’elle irradie. Sa spontanéité nous désarme totalement. Tandis que Paul est plutôt économe en mots par conviction « qu’il y en a tellement qui ne parviennent pas à exprimer ce que l’on ressent », Adèle le presse de questions, a des attentes précises. Au fil de leurs rencontres successives, la musique va les unir mais aussi les séparer. C’est comme si nous assistions à un discours amoureux musical.

Tout mélomane qui se respecte se souvient de sa première rencontre, celle qui marque à tout jamais, avec la grande musique. Pour Adèle et Paul, ce qui les transporte au plus profond de leur être, c’est le Trio en mi bémol de Schubert. C’est cette mélodie, mariage à trois du violon, du violoncelle et du piano, sublime, qui prend vie dans leur corps et se fait chair. Mais « qu’est-ce qui fait qu’on se souvient des choses ? Ou plutôt que l’on ait envie de s’en souvenir ? ».

La pièce fait se percuter la délicatesse de Rohmer, que l’on retrouvait notamment dans Que nos cœurs s’éprennent, à l’écoute bouleversante de l’un des plus beaux morceaux de Franz Schubert (juste après La jeune fille et la mort). Le texte nous transporte comme une vague mélodieuse qui nous submerge d’émotion et qui, en concert, nous laisse hagards, les yeux humides, tant on reçoit en plein cœur ce langage à la fois unique, intime et universel. La musique peut-elle guérir toutes les blessures de l’âme et prendre le relai des mots quand ces derniers atteignent leurs limites ? C’est en tout cas ce qu’espèrent Adèle et Paul en se revoyant un an plus tard…

Trio en mi bémol nous touche en nous confrontant à un homme incompris qui ne saisit pas les nuances et la subtilité des mots tandis qu’il voit dans les notes une limpidité incroyable. Au cœur de leur amitié trouble où rien ne les retient l’un à l’autre en dehors de ce lien indéfectible et tacite que représente la musique, ils laissent le temps aux pauses, aux silences, pour mieux se retrouver, se comprendre, se perdre à nouveau. Quand on ne sait pas ou plus communiquer, quelle alternative s’offre à nous sinon la musique ?

Avec Trio en mi bémol, le Collectif Colette réussit le mariage émouvant entre les mots bouleversants d’humanité d’Eric Rohmer et les notes délicates de Franz Schubert. La pièce nous parle de nous, de notre rapport à l’art, au langage, aux autres. C’est beau, émouvant et joué avec une sensibilité évidente qui ne peut que faire chavirer notre cœur.


Trio en mi bémol

Création du Collectif Colette

Texte : Eric Rohmer

Mise en scène : Laurent Cogez

Avec : Carine Goron et Blaise Pettebone

Durée : 1h

  • Du 15 au 26 février 2017.

Du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 17h

Séances à 15h les 16, 17, 18, 23 et 24 février

Lieu : Théâtre de l’Opprimé, 78-80 rue du Charolais, 75012 Paris

Réservations : 01 43 40 44 44 ou reservation@theatredelopprime.com


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