Je buterai bien ma mère un dimanche : saine thérapie

Et si l’humour belge n’était pas qu’un mythe ? Après avoir découvert le mordant du comique de Manon Lepomme l’an dernier au Festival d’Avignon (qui revient cette année, sur ses deux jambes), nous goûtons avec plaisir à celui de Julie Villers. Tandis que l’une refusait d’aller chez le psy, cette fois-ci c’est à une véritable thérapie de groupe que nous assistons, une séance pour le meilleur et pour le rire à travers trois générations de femmes atypiques.

Julie Villers qui buterait bien sa mère un dimanche © Alain Lafon
Julie Villers qui buterait bien sa mère un dimanche © Alain Lafon

« Que celui qui n’a jamais eu envie de tuer sa mère lui jette la première pierre ! ». Fébrile, Julie est dans le public, se plaint, peste contre elle-même de son retard. C’est alors que la thérapie de groupe par le rire commence. Julie est une habituée de ces cercles, au point de confondre certains d’entre eux, notamment avec la thérapie du mardi, celle qui fait appel davantage au corps qu’à l’esprit. Face à nous, elle vient pour « rire de ses conflits familiaux pour éviter de les régler avec des objets coupants ». Il faut dire que sa famille n’est pas vraiment celle que l’on voit sur le papier glacé des magazines. Entre sa grand-mère collabo sexuellement libérée voire délurée et sa mère aigrie qui ne sait que rabaisser sa fille et lui rappeler sa laideur, Julie a de quoi avoir parfois l’envie de se montrer imaginative quant à la fin de ses ancêtres.

Dans la salle, Yannick Bourdelle lance la réplique à Julie Villers. Celui qui prendra sa succession dans deux jours au Théâtre des Corps Saints est un très bon gourou de la thérapie et son élève en a des choses à dire. Derrière ses lunettes rouges de fille coincée, elle se débride et donne tout ce qu’elle a. Evidemment, sa mère lui a souvent dit que dans ce métier, il faut coucher pour réussir mais Julie l’a fait surtout pour réussir à coucher. Bafouillant de rage, de colère et de pudeur, de ce côté-là ce n’est pas gagné mais au moins elle aura vidé son sac : « on se focalise sur les bébés mais est-ce qu’une mère dans un congelo ce ne serait pas plus rigolo ? ». Les paris sont ouverts en cette saison estivale.

Julie Villers est ce que l’on pourrait décrire comme un phénomène acidement drôle. Elle est brillante dans son genre et pas uniquement « parce qu’elle a la peau grasse ». Elle peint le portrait d’une fille attachante, d’une mère détestable et d’une grand-mère que l’on aurait bien aimé croiser bien qu’il ne fasse aucun doute qu’elle n’a pas « toutes les frites dans le même cornet ». De ses mimiques à son dynamisme, il n’y a qu’un pas qu’elle franchit aisément durant une heure, se livrant à nous dans une expérience de complexe d’Œdipe à régler de toute urgence. La consultation fait du bien, jusqu’à nous rappeler par instant que chez les autres, derrière les volets clos de plusieurs milliers de familles, l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Le rapport ? Il n’y a pas de rat-porc mais juste des chien-loup mais déjà je m’égare, gagné par le pet au casque de Julie et de ses ascendantes.

Sans prendre le joker du 50/50, en sortant de la séance, pardon de la représentation, vous aurez soit envie de buter votre mère vous aussi soit la furieuse nécessité de l’appeler, ne serait-ce que pour vous convaincre que non, vous n’êtes pas si névrosée mais que Julie Villers est un remède miracle contre la déprime du dimanche soir.


La rédaction a assisté à la représentation du lundi 16 juillet 2018


Je buterai bien ma mère un dimanche

Texte : Julie Villers

Mise en scène : Johanna Boyé

Distribution : Julie Villers

Durée : 1h05

  • Du 5 au 17 juillet 2018

dans le cadre du Festival OFF d’Avignon

Lieu : Théâtre des Corps Saints, place des Corps Saints, 84000 AVIGNON

Réservations : 04 90 16 07 50


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