Françoise Dasque s’inspirera de son voyage pédestre vers l’Est entrepris l’année de ses cinquante ans pour proposer un seul-en-scène touchant et surprenant en nous faisant partager avec humour, tendresse et sincérité les souvenirs, les rencontres et la générosité accumulés au cours de ces vingt mois sur le chemin de la découverte pour soixante représentations exceptionnelles au Ciné XIII Théâtre de Paris.

Jupe longue azur et écharpe bleu ciel, sac surdimensionné sur le dos, bâtons à la main et chaussures de randonnée aux pieds, Françoise descend du public vers le plateau comme elle descendit le sentier de son village en Ardèche vers la vallée, vers l’Est, l’année de ses cinquante ans. Elle fredonne une ritournelle pleine de force et de bonne humeur, encourageant à poursuivre la route : « Every little cell in my body is happy, every little cell in my body is well. I’m so glad, every little cell in my body is happy and weel.”. Errant dans la campagne turque, elle cherche le moyen de rejoindre le prochain village. L’occasion de faire naître sous nos yeux son interlocutrice, étonnée, qui lui posera une multitude de questions avant de lui offrir l’hospitalité pour la nuit, sous la protection de son mari, posté sur le toit de la maison, fusil à la main, veillant sur le sommeil de la randonneuse. Et c’est ainsi chaque jour, où elle s’autorise à s’arrêter pour lui permettre de continuer. Reçue comme une reine, Françoise reçoit énormément des autochtones qui lui donnent le meilleur d’eux-mêmes et nous retranscrit un peu de cette chaleur humaine qui fait que la confiance l’emporte sur la méfiance. Par l’imaginaire, elle nous invite au voyage et nous la suivons, sans crainte, avec plaisir, sur le chemin de la vie où la clé réside dans le fait de ne « vivre qu’une minute à la fois sans envisager la totalité du parcours ».
Avec une sincérité désarmante, Françoise Dasque repart chaque soir et nous emmène avec elle, au creux de son sac à dos, pour vivre les vingt mois de son merveilleux périple. Dans une mise en scène épurée mais vivante de Zarina Khan, nous traversons à ses côtés la Grèce et les vérandas des chapelles servant d’abri, la Turquie où l’on n’a pas peur d’elle mais peur pour elle, la Géorgie et son atmosphère poisseuse mais où le chant, la danse et l’hospitalité sur fond de vodka sont partout, l’Arménie où la danse fait tomber les barrières linguistiques, l’Iran et ses inconvénients vestimentaires, l’Inde avec ses voyages pittoresques dans des wagons bondés, la Thaïlande et ses nombreuses montagnes, le Laos déroutant, la Chine aux franches rigolades et enfin le Japon avec ses codes et sa politesse, marquant la fin de son échappée belle. Faisant l’impasse sur l’Italie, partie la plus difficile psychologiquement, Françoise Dasque ne garde que le meilleur de son aventure et un optimisme communicatif. Dynamique, souriante et enjouée, elle recrée des tranches de vie, des échanges de son parcours avec beaucoup de fraicheur et de gaieté. Son récit fait naître chez le spectateur des images au son des mots dans les différentes langues des pays traversés et décuple notre envie d’évasion et notre âme aventurière avec un irrésistible besoin de parcourir le monde, pour nous aussi nous sentir à notre « place exacte et légitime dans l’univers ». Au fil des dialogues et des scénettes d’un quotidien différent, nous assistons à tout ce qui fit le sel de sa déambulation, de la joie à l’inquiétude, des problèmes logistiques à la manifestation de la providence…
2 bras 2 jambes fait partie de ces spectacles qui parviennent à nous faire voyager sans quitter le fauteuil rouge confortable de la salle, tout en nourrissant notre envie d’enfiler à notre tour nos chaussures de randonnée pour parcourir le monde avec notre sac sur le dos, et pour seul compagnon notre soif intarissable de découvrir mille et une merveilles dans un ailleurs inconnu qui ne demande qu’à nous accueillir les bras ouverts.