4 : déchéance du provocateur Rodrigo Garcia

Dans le cadre de la 44ème édition du Festival d’Automne à Paris, Rodrigo Garcia s’installe au centre dramatique national de Nanterre-Amandiers et nous présente sa dernière création en tant que directeur du Théâtre hTh (humain Trop humain) de Montpellier depuis janvier 2014, 4, qui malheureusement cette fois-ci ne convainc guère.

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Inutile de tenter de raconter l’histoire de 4 car il n’y en a pas. Le titre fait référence aux 4 comédiens qui évoluent sur le plateau, tous habitués des productions de Rodrigo Garcia : Núria Lloansi, Juan Navarro et bien entendu Gonzalo Cunill et Juan Loriente, tant appréciés dans Daisy. Ils sont unis par de fins fils de nylon surmontés de grelots lors de leur entrée sur scène. Cela ressemble presque à un chant d’oiseaux. Sans prononcer aucune parole, ils se bousculent, se malmènent, font des gestes quasi-chorégraphiques avant de faire corps autour d’un micro à pied posé côté cour et de débuter leur texte : « Le mensonge est le sel de la vie (…) magouiller c’est comme respirer. ». En effet, c’est un peu notre avis car en assistant à cette représentation un sentiment bizarre nous envahit : est-ce qu’on nous aurait menti sur le génie de Rodrigo Garcia ? Volontairement provocateur mais délivrant de réels messages d’habitude, le dramaturge argentin semble avoir perdu de sa prestance dans cette nouvelle production et se place en situation de génie déchu dans notre esprit, avec un ensemble qui manque de lien, de cohésion. Le seul fil conducteur émergeant est celui du chiffre 4, comme les quatre coqs en baskets, La quatrième symphonie de Beethoven… Mais est-ce vraiment suffisant lorsque le manque cruel de cohésion se fait sentir ?

Rodrigo Garcia s’est ici perdu en chemin et gâche son indéniable talent dans une accumulation de bonnes idées abandonnées en cours de route, un collage de différentes choses sans unité, ne laissant que très peu de souvenirs une fois sortis de la salle. C’est à peine si nous nous souviendrons de la peau de loup, des plantes carnivores sur un tourne-disque ou de l’interview dans un duvet sur le fromage, le coq au vin ou le doggy style (plus connu sous le nom de la position sexuelle de la levrette). Néanmoins, quelques belles images émergent de l’ensemble comme le match de tennis contre la palissade du fond sur laquelle L’origine du monde de Gustave Courbet s’étale en gros plan et vibre sous l’impact de la petite balle jaune. Continuant sa lutte d’une société de consommation de plus en plus pressente, Rodrigo Garcia expose à notre vue deux petites filles, maquillées à outrance comme des tops-model et évoluant sur des talons aiguilles bien trop hauts pour elles. La plus belle scène reste cependant celle qui se déroule sur le savon de Marseille géant côté jardin où les corps s’emmêlent, se frottent l’un à l’autre, glissent sur l’énorme savonnette dans un ballet sensuel, le tout au son de la sublime Symphonie n°4 de Beethoven.

Malgré ces quelques beaux moments, cela ne parvient pas à sauver l’ensemble qui nous parvient comme une proposition affligeante. La dernière création du génie controversé Rodrigo Garcia nous interpelle profondément mais pas dans le sens espéré et pour une fois, nous n’adhérons pas à la proposition. Cela est bien dommage. Le dramaturge nous donne a entendre que « les souvenirs inoubliables sont ceux que, même si tu t’efforces, tu ne parviens pas à oublier ». De notre côté, nous ne ferons même pas l’effort de nous en souvenir.


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